Digital en Chine: quelle bonne stratégie pour les marques occidentales?

Résumé: Les chiffres gigantesques du marché chinois ne doivent pas cacher la réalité d’un marché difficile à pénétrer pour les marques occidentales. La Chine est le royaume du commerce avec des usages évoluant très rapidement et des acteurs locaux qui savent tirer le meilleur parti des innovations étrangères, même s’ils sont confrontés à des défis logistiques majeurs à régler dans le secteur du e-commerce. Les marques occidentales doivent donc à la fois investir et s’adapter localement tout en conservant leur créativité et leur originalité pour espérer émerger dans un marché de profusion ultra-concurrentiel.


J’ai récemment eu l’occasion d’assister à une excellente journée de conférences sur le développement des médias digitaux en Chine, organisée par Benchmark Group. Les intervenants (Ubifrance, Nurun Chine, Ifop Asia, Atelier BNP Paribas Group Asie, Lacoste, China Diligence, Reflex Shanghaï, 2K China, E-luxury brands, Accor, Viadeo, Orange Business Services, IP Label, Shopdescreateurs.com, Feeloë consulting) étaient nombreux avec plusieurs années d’expérience professionnelle en Chine pour la majorité d’entre eux, ce qui a permis une confrontation de points de vue et de retours d’expérience intéressante pour les moins bien initiés d’entre nous. En voici un « digest » tout à fait personnel des informations et idées clés que j’en ai retenues, qui se résument en 4 grands points :

1. Des chiffres forcément gigantesques, avec donc la nécessité de mettre les choses en perspective
2. Des Chinois qui sont des êtres humains comme les autres, avec des comportements et usages spécifiques : les clichés ont la vie dure !
3. La Chine est le royaume du commerce, avec un marché évoluant à vitesse grand V et des acteurs locaux majeurs qui savent tirer le meilleur parti des innovations étrangères, mais des défis logistiques considérables à relever
4. La nécessité absolue pour les entreprises étrangères d’apporter une réelle valeur ajoutée par rapport à l’offre et aux compétences locales pour espérer émerger et s’y développer

 

1. Des chiffres forcément gigantesques, avec donc la nécessité de mettre les choses en perspective

La Chine est le pays du gigantisme, aucune présentation sur le sujet ne nous épargne l’avalanche de chiffres qui semble être le passage nécessaire avant toute mise en perspective.

Pour saisir le gigantisme du territoire chinois, une comparaison intéressante faite par le directeur marketing de Lacoste à Shanghai : un territoire qui s’étend du Danemark au Niger, et de la Bretagne à Moscou… Même si les salaires sont aujourd’hui bas, 850 millions de Chinois feront partie de la classe moyenne en 2030, et il y a déjà 5 fois plus de millionnaires qu’en France (1,1 million de millionnaires en $ selon une étude du BCG), avec une croissance toujours soutenue et une confiance inébranlable dans le pouvoir d’achat. Ce qui ne doit pas cacher une diversité culturelle et géographique extraordinaire à la dimension du territoire, et des comportements générationnels très différents selon les âges : après ceux qui ont connu le communisme (45 ans +) et les entrepreneurs du début du capitalisme, les jeunes générations sont consommatrices, hédonistes et confiantes en l’avenir, boostées par la croissance de leur pays, avec une ambivalente attirance envers deux pôles opposés, l’occidentalisation d’une part, et la fierté d’appartenance à la Chine de l’autre. Tout va très vite en Chine aujourd’hui et face à l’urbanisation croissante, on voit aussi apparaître des mouvements inverses par exemple, tels que le retour de nombreux Chinois de villes « Tier 1 » vers des villes « Tier 2 », pour retrouver une meilleure qualité de vie.

Le réseau Internet est très développé en Chine, tout en étant hétérogène, avec deux opérateurs qui se partagent le pays, un au nord et l’autre au sud, et des différences importantes de débit entre les grandes villes et les autres. D’après IP Label, le référentiel chinois moyen pour le téléchargement d’une page est de 8 à 10 secondes de temps de téléchargement, alors qu’il est de 2 secondes en Europe. Ce qui a des conséquences non négligeables sur la conception des sites et explique la densité de textes et de contenus des pages d’accueil des sites chinois, pour permettre l’accès au maximum d’informations très rapidement. Par contre les flux d’entrée et de sortie vers l’international sont très contrôlés et passent forcément par Pékin et Shanghai, ce qui ralentit énormément le téléchargement des sites qui sont sur des serveurs étrangers. A Hong-Kong où les acteurs étrangers du web et du mobile sont autorisés, l’iPhone a des taux de pénétration très élevés, ainsi que Facebook et Twitter. Ces derniers étant par contre interdits sur le reste du territoire chinois, ce sont des acteurs locaux majeurs qui se partagent le marché, avec des positionnements similaires à leurs homologues américains : Baidu l’équivalent de Google, les réseaux sociaux Sina Weibo (mix de Facebook et de Twitter, le plus populaire des réseaux sociaux chinois), Tencent qui possède également QQ (IM) , TaoBao l’équivalent d’eBay (70% du e-commerce, 2% du retail), Alipay l’équivalent de PayPal (>1,5 md RMB de transactions par jour), Tudou l’équivalent de Youtube, et en mars 2011, déjà plus de 4000 sites d’achats groupés type Groupon…

 

La technologie étant déjà sophistiquée lors de son arrivée en Chine, l’adoption a été massive et intensive, notamment sur le mobile, et les usages sont déjà très développés, même si tous les internautes Chinois ne naissent pas libres et égaux. L’équipement informatique n’est pas toujours récent, les logiciels souvent piratés ne permettent pas les mises à jour et limitent l’utilisation de Flash, de contenus lourds et de HTML5, le navigateur le plus utilisé étant encore IE6.

Pour une grande partie d’entre eux, l’accès massif à Internet s’est fait et se fait via des cybercafés qui sont de véritables plateformes informatiques hébergeant 400 PC en moyenne ! Même si ces cybercafés qui étaient 130 000 en 2010, sont aujourd’hui dans le collimateur des autorités qui en ont fermé 100 000 illégaux ces dernières années, dans le cadre d’une campagne officielle de lutte contre la pornographie et la violence sur Internet.

On estime le nombre d’internautes chinois à 457 millions en 2010 (soit 35% de la population) avec une croissance de +19% par rapport à 2009 et plus de 300 000 nouveaux internautes par jour. L’usage est intensif, avec un temps quotidien moyen passé sur Internet double de celui passé par les Européens et les Américains. Les pratiques sont variées: blogs, IM (messagerie instantanée), réseaux sociaux (235 millions d’utilisateurs, soit 18% de la population) et e-commerce (>100 millions d’acheteurs en ligne, environ 8% de la population en 2009 selon Goldman-Sachs). Les chiffres sont bien sûr impressionnants mais ramenés en pourcentage de l’ensemble de la population, ils sont encore loin du niveau des pays matures : ce qui laisse imaginer la marge de progression encore à venir !

 

2. Des Chinois qui sont des êtres humains comme les autres, avec des comportements et usages spécifiques : les clichés ont la vie dure !

Après la déferlante de chiffres bruts aussi hypnotisante que parfois inquiétante car finalement très virtuelle, l’observation des usages permet fort heureusement de constater que les Chinois sont somme toute des êtres humains comme les autres : on est presque surpris de le constater !

Les grandes villes ne se ressemblent pas: à Canton la « besogneuse » où le travail compte énormément et où le prix semble une donnée capitale dans les décisions d’achat des consommateurs, s’opposent Shanghaï la show-off royaume de la frime, ou encore Pékin capitale des « intellos » et des tribus branchées de style « bobo », pour pousser la comparaison.
L’université joue toujours son rôle de lien social semble-t-il, pour la mise en relation des couples et la recherche de travail, mais le faible usage des médias qui sont en Occident traditionnels (radio, presse et magazines papier) associé à des loisirs urbains très peu développés, expliquent l’obsession chinoise pour Internet : selon McKinsey, Internet comble le temps libre avec les habitants des 60 plus grandes villes du pays passant 70% de leur temps de loisir en ligne ! Ce qui pourrait avoir des impacts « sismiques », d’après McKinsey toujours, en matière de consommation dans les années à venir.

Une autre donnée sociale à ne pas négliger dans cet usage excessif d’Internet : la politique de l’enfant unique, qui se retrouve ainsi seul face à 6 adultes (parents et deux couples de grand-parents) dans le foyer familial. Ces enfants dépourvus de liens fraternels et subissant une très forte pression pour la réussite scolaire avec de nombreuses heures d’études particulières le week-end, utilisent les plateformes mobiles pour échapper à cette pression et les réseaux sociaux pour la recherche de compagnie et de lien social. Plus globalement, Internet est un échappatoire à la réalité qui permet à un nombre croissant de Chinois d’avoir en ligne des vies qu’ils n’ont pas dans la vraie vie: d’où des comportements de défoulement en ligne et de violences verbales qui ne sont pas rares… cet espace de (relative) liberté leur donne un sentiment de pouvoir par rapport à la pression de la vie réelle.

 

L’usage de l’email est relativement limité en Chine, par contre la messagerie instantanée, les blogs et les réseaux sociaux sont extrêmement développés et dynamiques, ce qui en fait le passage obligé de toute campagne de communication (exemples cités par les intervenants : Nurun qui est en train de lancer le régime Dukan en Chine avec une stratégie 100% digitale, Seat qui se sert des réseaux sociaux pour développer sa notoriété…). Les Chinois ayant besoin de vérifier et de revérifier les informations qui leur sont fournies, les sites de marques ont leur utilité comme garants de l’information communiquée, mais non comme premiers générateurs de notoriété.

Les Chinois sont très extravertis et adorent exprimer et partager leurs avis, postant par exemple de nombreuses photos d’eux-mêmes sur Internet, adorant les clubs, les privilèges, les cercles… et discutant politique sur les réseaux en utilisant un langage codé pour éviter le filtre de la censure ! Contrairement aux idées reçues, les consommateurs ne veulent pas forcément acheter du faux, et les «malls » (centres commerciaux) sont des lieux de promenade tout autant que des destinations d’achat.

 

3. La Chine est le royaume du commerce, avec un marché évoluant à vitesse grand V et des acteurs locaux majeurs qui savent tirer le meilleur parti des innovations étrangères, mais des défis logistiques considérables à relever

Le e-commerce en Chine est essentiellement fait de transactions entre consommateurs aujourd’hui, puisque le CtoC en représente 92%, avec quasiment autant de vendeurs que d’acheteurs (plus de 100 millions sur TaoBao, qui ont leur petit espace de commerce en ligne et font des transactions entre eux). Pour garantir la confiance de la transaction, la pratique de l’escrow est très répandue (un service intermédiaire qui récupère l’argent d’une transaction d’une des parties et la verse à l’autre partie une fois la transaction réalisée). D’après un des intervenants, Amazon ne réussit pas bien en Chine car n’a pas compris la mentalité des Chinois en matière de pratiques commerciales.

Qu’achètent les Chinois en ligne ? Dans l’ordre décroissant des achats réalisés : des vêtements, bijoux et accessoires de mode en premier, des parfums et cosmétiques, des achats informatiques et des cartes prépayées, des livres et des achats électroniques et téléphoniques. Contrairement à la France où les CD/DVD tiennent le haut du pavé, ceux-ci viennent plutôt en dernier étant disponibles relativement « gratuitement » facilement en Chine… Sachant que sur tous les secteurs, le discount est une tendance lourde, et la « contrefaçon » un sujet permanent (et problématique forcément pour les marques étrangères). Le marché en ligne chinois est une source de grande confusion du fait de l’énorme quantité et densité d’informations, et de la profusion de faux produits allant de véritables contrefaçons à de faux magasins (par ex. de faux Apple Stores) abritant de vrais produits à de vrais produits issus de marchés parallèles (achetés à l’étranger…).

Par ailleurs, si Internet est une source d’information très utilisée pour connaître les promotions et les bonnes affaires, le taux de conversion trafic / vente est encore inférieur à 1% à date, et le panier moyen autour de 20/30 €.

De même qu’en Occident, se développent aussi des plateformes spécifiques de e-commerce, telles que le w-commerce pour weibo-commerce (équivalent du f-commerce = Facebook commerce), qui intègre de plus en plus de catalogues produits et donc de ventes. Beaucoup de célébrités chinoises ou étrangères ont leur weibo (Tom Cruise, Bill Gates, Christine Lagarde qui vient d’en ouvrir un…), mais comme sur Facebook, la conversion du « follower » en acheteur est un challenge et absolument pas un processus linéaire.

Le m-commerce est aussi en développement en se positionnant comme le chaînon manquant entre les magasins et l’achat chez soi, ce qui lui donne un rôle d’activation commerciale intéressant à l’avenir pour les magasins.

En matière d’acteurs, TaoBao est l’acteur ultra-dominant et incontournable, domaine du CtoC mais aussi de la contrefaçon de masse : une centaine de résultats apparaissent pour la marque Lacoste par exemple, quasiment tous de la contrefaçon ou au mieux des produits authentiques mais issus du marché parallèle… TaoBao a développé une plateforme BtoB pour permettre aux marques d’y vendre leurs produits originaux, Tmall, qui est la première étape quasi-nécessaire pour toute marque étrangère souhaitant développer son e-commerce en Chine. Deux exemples l’illustrent : Gap, qui a démarré sans mais qui n’a pas eu d’autre choix que d’y ouvrir une boutique ensuite ; inversément, Uniqlo, qui ouvre sa boutique sur le TaoBao Mall en mai 2009 et qui y accueille aujourd’hui plus de 700 000 visiteurs par jour, 6000 transactions et un CA de 80k$/j, soit l’équivalent de ses 42 magasins en Chine ! La bonne stratégie e-commerce pour une marque étrangère est donc de passer d’abord par Tmall qui capture l’essentiel des flux dans un objectif d’apprentissage et d’émergence, et ensuite éventuellement de lancer son propre site (stratégies de Puma et de Décathlon, présent en Chine depuis 2009 et qui est en train de lancer son propre site maintenant).

Quelques autres acteurs remarquables : Paipai.com (QQ/Tencent), challenger CtoC de TaoBao, est le site web qui connaît la plus forte croissance au monde, mais est très peu regardant sur les produits… Sur Sina, de vrais produits de luxe sont vendus mais issus d’un trafic parallèle avec l’utilisation des images de marques sans autorisation. Xiu.com quant à lui, ne fait que du marché parallèle de luxe ; il a levé récemment beaucoup de fonds, et s’est doté d’armées de personnel qui achètent quotidiennement des sacs à Hong-Kong et les ramènent à Shenzhen pour les vendre !

Le paiement en ligne est très répandu pour les petits montants, via Alipay que tout le monde utilise (l’équivalent de PayPal). Par contre le paiement en liquide est fréquent pour les gros montants, ce qui signifie des coûts logistiques de sécurité importants pour les marques de luxe qui se font payer à la livraison du produit.

Au vu des usages décrits plus hauts, les réseaux sociaux et le marketing viral sont un levier de recrutement très important pour le commerce en ligne, et des pratiques concurrentielles extrêmes s’y développent, par exemple l’utilisation de « Snipers for hire » pour multiplier les «faux» commentaires négatifs sur les sites des concurrents. Ce genre de litiges ne se réglant pas au tribunal en Chine, la seule solution pour un commerçant est de contre-attaquer et de répliquer avec les mêmes armes que l’adversaire, en se payant une puissance de feu de modérateurs et de commentaires positifs pour noyer les avis négatifs… Malheureusement pour les marques étrangères non armées pour cela et pas culturellement prêtes à gérer des commentaires parfois de grande violence, la spirale négative peut vite s’enclencher et tourner au désastre très rapidement, ainsi que l’illustre l’exemple de King Jouet, qui a dû fermer ses portes en Chine notamment suite à une expérience de ce genre…

A côté de ces pratiques concurrentielles très agressives, le e-commerce chinois connaît de nombreux problèmes liés au décalage entre l’abondance de l’offre affichée d’une part et la maturité des usages des clients et de l’organisation des distributeurs d’autre part : les problèmes de livraisons et de logistique sont une source de plainte de la part des consommateurs quasiment partout à part à Shanghai, ainsi que l’escroquerie et le souhait de produits authentiques et conformes à ce qui était affiché en ligne. Le back office et le challenge logistique sont des enjeux majeurs à relever dans les années qui viennent pour suivre le rythme de la demande consommateurs.

 

4. La nécessité absolue pour les entreprises étrangères d’apporter une réelle valeur ajoutée par rapport à l’offre et aux compétences locales pour espérer émerger et s’y développer

Le marché chinois présente de nombreuses difficultés pour les marques étrangères, qui doivent absolument s’adapter aux pratiques et aux contraintes locales pour espérer émerger et s’y développer.

Les difficultés sont d’abord liées à l’énormité du marché et à l’impossibilité de contrôler toutes les sources de produits vendus et d’images utilisés (contrefaçon etc.), une dimension qui révèle néanmoins une véritable appétence pour les marques de la part des consommateurs chinois et une vraie prime à la nouveauté pour celles qui savent exploiter ce créneau, et apporter un contenu original et de qualité inexistant localement.

L’installation d’une entreprise étrangère en Chine et le management sont aussi source de problèmes récurrents à gérer, notamment en raison d’un turnover extrêmement important lié à la croissance, qui permet de trouver des employés en un jour mais de les perdre en un jour aussi… d’où l’importance d’investir dans un management mixte et de comprendre les pratiques locales plutôt que d’importer des pratiques françaises ou occidentales qui seront interprétées de manière tout à fait différente par les employés chinois (la manière dont un patron doit affirmer son autorité, par exemple).

Par conséquent, à l’inverse des marchés occidentaux où le digital est considéré comme un moyen complémentaire au commerce traditionnel pour une majorité de marques et de distributeurs, le e-commerce et le marketing en ligne peuvent représenter un premier moyen économique et rapide d’accéder au marché chinois et d’observer ce qui y fonctionne avant d’investir plus lourdement dans la durée (brick et mortar et supports de communication papier). Ce qui ne signifie pas qu’il suffit de faire une version chinoise d’un site de marque français ou occidental hébergé à l’étranger pour qu’il rencontre le succès en Chine !

Quelques règles élémentaires sont nécessaires à respecter pour bien démarrer sa stratégie digitale en Chine, en plus des divers points mentionnés plus haut, ainsi qu’en témoignent les retours d’expérience partagés par Accor, Viadeo, 2K et Yangjiu.com, site de vente de vins occidentaux haut de gamme en ligne :

– Avoir un site en .cn donc hébergé en Chine et en chinois (en mandarin a minima), permettant un accès rapide aux pages car sinon le site est interprété comme « ne fonctionnant pas ». Or le temps de téléchargement moyen des sites de luxe hébergés à l’étranger est de 17,5 secondes, parfois 60 secondes ; 47,8 secondes ont été constatées sur le site web de grandes écoles françaises ! A savoir : le trafic de et vers l’Union Européenne est routé via les USA, qui peuvent représenter une solution intermédiaire d’hébergement avant une installation sur des serveurs chinois.

– Adapter le design web au goût des consommateurs, très peu adeptes du design minimaliste et préférant les pages riches en textes, images et couleurs. A ce jour, peu de marques étrangères ont des sites en chinois ou hébergés en Chine (ex : DKNY, Ralph Lauren…). Accor.com dont le site a un look & feel occidental y rencontre peu de succès pour l’instant, à l’inverse de la plateforme de réservation en ligne concurrente Ctrip.com, qui a deux versions de site très différentes selon la langue (version anglaise assez épurée à l’occidentale, version chinoise très dense en contenu, avec beaucoup de textes et de couleurs).

– Eviter les « tunnels » de réservation trop longs : 3 étapes maximum sont tolérées par les Chinois, alors qu’en France 6 étapes sont gérables, toujours selon l’expérience d’Accor.

– Ne pas lésiner sur les investissements techniques avec des serveurs de backup parfois à prévoir sur plusieurs sites, par rapport à l’infrastructure qui aurait été nécessaire en France pour le même site. La gestion de bases de données est très compliquée car les Chinois ont un éventail de noms (une cinquantaine pour toute la Chine !) et même de prénoms assez limité par rapport à la taille de la population, un faible usage de l’email et/ou inversement de multiples adresses de contact. Pour contacter un client, il faut donc pouvoir croiser plusieurs informations dans la base : nom saisissable en caractères chinois, adresse email ou IM, adresse physique, numéro de mobile…

– Les modèles économiques sont également à adapter aux usages et au niveau de maturité du marché, ainsi qu’en témoignent l’expérience de Viadeo et de l’éditeur de jeux 2K.
Tianji.com, la version chinoise de Viadeo a 8 millions de membres en Chine (pour comparaison, Viadeo a 5 millions de membres en France et 40 millions dans le monde). En France, 50% des revenus sont issus des comptes Premium, ce qui n’est pas transposable tel quel en Chine, où le business model est basé pour l’instant sur des publicités et des services payants aux RH.
Sur le marché des jeux en ligne, des pratiques locales se développent sur la base de jeux occidentaux à l’origine : par exemple, sur Farmville en Chine, on peut voler la récolte de ses voisins, ce qui a permis le développement d’autres fonctionnalités qui enrichissent le jeu (chiens de garde, services de sécurité, etc.). Les éditeurs chinois ne cherchent pas à « éduquer » leurs consommateurs, et n’ont pas de convictions marketing particulières par rapport à leurs produits. Par contre ils sont très attentifs à la demande et adaptent en permanence le produit aux attentes de leurs clients, ce qui en fait d’excellents « optimisateurs » des innovations étrangères pour leur marché local, mais limite la création originale. Ce comportement peut être une source d’inspiration pour les marques occidentales qui pourrait leur permettre des développements particuliers et prometteurs adaptés au goût et aux usages des consommateurs chinois.

 

En conclusion, la Chine est certes un marché gigantesque dont le potentiel de croissance est encore immense, mais c’est un marché qui doit faire face à de considérables enjeux internes et où les marques étrangères ne bénéficient plus d’un crédit automatique du fait de leur seule origine occidentale. L’observation du marché et la compréhension des usages, la capacité d’adaptation aux pratiques locales et la collaboration avec les partenaires locaux sont des étapes indispensables pour espérer y réussir son développement : l’enjeu peut en valoir la peine, mais l’investissement est la condition nécessaire et préalable, à étudier donc sérieusement avant de se lancer à l’aventure et à la conquête du premier marché mondial !

 

Pour compléter cette restitution, quelques liens utiles :

– 2 autres compte-rendus de cette même journée avec des angles plus précis :  Comprendre le web chinois pour y réussir son activité » par le  Journal du Net, et « Sina Weibo: le nouveau Twitter?«  par Chantal Garnier pour Influencia.

ChinaSmack, traduction anglaise d’articles parus sur le web chinois.

PennOlson, Asia Tech News for the World.

– Un hors-série papier du Monde paru en octobre dernier : Le siècle chinois.

 

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