Mentorat de femmes entrepreneures : retour d’expérience de Women Initiative Foundation


Entretien avec Annie Combelles.

En parallèle de la mission de Directrice du Mentorat que j’ai effectuée pendant quelques mois chez OpenClassrooms, je me suis intéressée à l’état et à l’évolution du mentorat, essentiellement en France. En ont résulté quelques entretiens intéressants à partager, dont celui-ci avec Annie Combelles, pour Women Initiative Foundation.

Le mentorat « féminin » est une des grandes thématiques du mentorat, qu’il s’applique à des sujets d’évolution de carrière ou de création et de développement d’entreprise. Ayant moi-même été il y a quelques années mentor au sein de l’association PWN France (Professional Women’s Network), j’avais témoigné de cette expérience dans un précédent article.

Je me suis intéressée ici à une autre approche, orientée vers l’accompagnement de chefs d’entreprise femmes, et développée par Martine Liautaud et ses mentors à travers sa Women Initiative Foundation. De dimension plus « artisanale » que l’IME, cela permet d’avoir un autre point de vue sur ce qui fonde ou pas le succès de ces formes d’accompagnement.

Comment fonctionne le mentorat à la WIF ?

Annie Combelles (fondatrice et dirigeante du cabinet de conseil Inspearit) est mentor dans le réseau depuis 10 ans. Les mentors de la WIF sont un petit groupe de mentors fidèles, hommes et femmes, une dizaine environ, tous choisis par Martine Liautaud. Ils ont dû accompagner une centaine d’entrepreneures en 10 ans.

Leur approche est purement bénévole et gratuite, à la fois pour les mentors et pour les mentorées, ce qui fait qu’ils ne suivent pas trop de statistiques. Le mentorat à la WIF ne coûte rien aux mentorées (contrairement à l’IME). A la différence de l’IME également, les mentors ne sont pas tous entrepreneurs, mais certains cadres d’entreprise de grands groupes (spécialistes de l’innovation, par exemple).

La sélection des mentorées se fait par un binôme de 2 mentors, qui rencontrent l’aspirante mentorée.

Les critères objectifs – qui éliminent une grande partie des dossiers – sont les suivants : au moins 3 ans d’existence ou 1 million d’euros de CA. Sinon les sociétés sont trop petites et leurs dirigeantes ne tirent pas véritablement profit du mentorat. Ils avaient essayé avec de telles sociétés mais les dirigeantes étaient au four et au moulin, n’avaient pas beaucoup les moyens de déléguer, elles étaient encore trop dans l’opérationnel sans grands moyens.

Les critères qualitatifs sont essentiellement liés à la capacité d’écoute de l’aspirante mentorée ; sont éliminées toutes celles qui répondent toujours « oui mais j’ai déjà essayé » ! La demande doit également bien être du ressort du mentorat, un accompagnement global de l’entrepreneuse, et pas une simple aide au développement commercial attendue via le réseau du mentor.

Annie Combelles - WIF
Annie Combelles, mentor chez WIF et dirigeante de la société Inspearit

Le matching ensuite se fait très simplement : une fois la future mentorée sélectionnée, son dossier circule parmi les mentors, et celui ou celle intéressée de la suivre se déclare, puis la rencontre est organisée entre les deux. Il n’y a pas de règle stricte quant aux dossiers à prendre ou pas pour un mentor, Annie, quant à elle, suit de préférence des chefs d’entreprise issues d’autres secteurs d’activité que le sien.

Il n’y a pas de formation à proprement parler dispensée aux mentors, ni de conseils spécifiques, ils échangent entre eux pour améliorer leur pratique, ou face à un problème particulier. Ils sont toujours attentifs à l’écoute, adoptent une posture de questionnement, ne sont pas là pour donner des conseils.

Le rythme est à la discrétion du binôme ; Annie rencontre ses mentorées en moyenne une fois par mois, mais toujours à la demande de la mentorée, pour être certaine de répondre à un besoin. Certains mentors échangent avec leurs mentorées par téléphone.

Qu’est-ce qui fonctionne bien, moins bien, quelles sont les difficultés rencontrées ?

Avec l’expérience, Annie amène certaines questions beaucoup plus tôt, beaucoup plus vite : sur la vision, la stratégie, et l’humain (importance de l’équipe vs la chef, le management…).

Elle constate également que des mentors hommes peuvent avoir plus d’impact sur les femmes que les femmes elles-mêmes, elle a en tête une mentorée qui avait été accompagnée par un cadre à l’innovation d’un grand groupe, et qui était allée plus loin dans ses projets et son développement d’entreprise que les autres mentorées en moyenne.

Elle a eu quelques cas particuliers pas simples à mentorer :

  • Des familles par exemple, où la mentorée n’était pas tout à fait la seule « chef » à bord ; une confusion des genres risque souvent de se produire dans ces cas là, il n’est pas facile de rencontrer le frère ou le père avec qui le pouvoir est partagé…
  • Autre cas, d’une mère qui souhaitait transmettre l’entreprise à sa fille, qui n’était pas du tout intéressée (une activité d’import de matériel technique) ; il s’est avéré ensuite que la fille était surtout jeune et inexpérimentée, ce qui a amené la mère à l’intégrer progressivement.
  • Encore différent, un père dont le fils directeur technique n’avait pas les capacités de gérer l’entreprise. Il a imposé ce rôle à sa fille alors consultante en cabinet, qui s’est retrouvée parachutée CEO. Il a fallu l’accompagner pour qu’elle trouve sa place progressivement, et surtout qu’elle confirme son envie de jouer ce rôle !

Quelque soit la taille de l’activité, Annie constate néanmoins qu’avec des femmes mentorées, les 6 premiers mois d’accompagnement sont quasiment tous dédiés à la prise de confiance en soi.

Quand cette prise de confiance n’est pas suffisante, cela peut aboutir à des échecs : elle se souvient d’une femme constamment dévalorisée par son conjoint ; même si elle avait créé son activité, et ressortait boostée après chaque échange avec son mentor, son conjoint dévalorisait ensuite tout ce qu’elle faisait, lui disait qu’elle n’en était pas capable… En fin de compte, elle a cessé son activité.

A la fin de la relation mentorale, pas d’étude de satisfaction systématique chez WIF. Pour Annie, la mesure de « réussite » ou de valeur ajoutée, en fin de mentorat, doit et peut se constater à l’impact sur le chiffre d’affaires et le développement de l’entreprise.

Quels axes de développement pour WIF aujourd’hui ?

La volonté de développement ne s’inscrit pas dans des échanges avec d’autres groupes de mentorat, mais plutôt via des programmes développés par Martine Liautaud avec des grands groupes comme BNP (Leadership au féminin, une semaine de séminaire à Stanford par exemple).

Tout récemment, un nouveau programme d’échange avec le Canada a été lancé, pour aider des entrepreneuses de chaque pays à se développer dans l’autre.

Un grand merci à Annie Combelles pour ce partage d’expérience !

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