Comment avoir une vision globale d’Internet? (3/3): les INTERNAUTES, navigation et critères de décision

Résumé: Internet est un espace virtuel dans lequel on trouve son chemin comme dans l’espace physique réel: à partir de lieux de repère et de chemins issus de l’expérience qui permettent l’acquisition d’une image mentale de l’espace. Le contenu est le goudron du web, la matière dont ses routes sont faites: stratégie de contenus et de moyens sont intimement liés. Les internautes arbitrent en permanence sur les contenus qu’ils rencontrent jusqu’à atteindre leur objectif. Leurs critères se basent autant sur les qualités de la source que sur les qualités du contenu lui-même.

 

Sur Internet, stratégie des moyens et stratégie de contenus sont intimement liés, et il est relativement inefficace de dépenser de l’argent pour attirer les internautes si le contenu de marque ou d’entreprise auxquels ils seront exposés n’a pas été pensé en adéquation. Pour ce faire, il ne suffit pas d’avoir une vision globale d’Internet et des usages des internautes. Il faut aussi comprendre la manière dont ils procèdent pour atteindre leur but et leurs critères d’arbitrage, car en fonction de leurs besoins, de la catégorie de produits/services recherchée et de leur expérience personnelle ils ne suivront pas forcément les mêmes « chemins » digitaux et ne seront pas réceptifs aux mêmes arguments.

 

Comment trouve-t-on son chemin sur Internet ?

La manière de circuler et de trouver une information sur le web est parfaitement comparable à la manière de circuler et de trouver son chemin dans la vraie vie. Dans la vraie vie, il y a 3 grandes manières de circuler dans l’espace qui ont été étudiés et constatés en sciences sociales (source: « Consumer web search behaviour: diagrammatic illustration of wayfinding on the web » by Chris Hodkinson, Geoffrey Kiel & Janet R. McColl-Kennedy, University of Queensland, 2000):

– La plus simple et facile à acquérir par l’expérience est la connaissance des « lieux » (« place knowledge »), c’est-à-dire la capacité de reconnaître des lieux précis comme l’entrée d’une ville ou un rond-point connu, etc. Quand on est perdu, on revient sur ces lieux qu’on connaît et qui deviennent des points de repère. Sur Internet, les lieux connus sont la page de départ de l’internaute, qui s’affiche par défaut quand il ouvre son navigateur (généralement la page du FAI, ou Google sur un ordinateur, les applis sur un iPhone…) et les principaux sites qu’il utilise (moteur de recherche, réseau social, messagerie, principaux portails…). Quand un internaute se « perd » sur Internet, il reprend ses repères comme dans la vraie vie et revient à un lieu connu pour relancer une nouvelle recherche, qui est souvent son moteur de recherche préféré. Cette façon de procéder est particulièrement importante à comprendre car elle éclaire la manière dont toute recherche débute : or un nombre relativement limité de sites concentre une très grande part de l’audience en France : Google, les portails et les réseaux sociaux ! Les grands moyens de recherche sur Internet sont faciles à déduire en conséquence:

> La recherche directe par mots-clés dans un moteur
> La navigation de lien en lien
> La sollicitation

– La deuxième est la connaissance du « chemin » (« route knowledge »), c’est-à-dire la capacité de circuler d’un point A à un point B en faisant appel aux repères connus. Elle s’acquiert par l’expérience, par exemple trouver le chemin pour aller à un nouveau travail. Comme dans la vraie vie, une fois que les internautes ont établi quelques chemins de circulation, ils ont tendance à les réutiliser même pour aller à de nouveaux lieux : les humains n’aiment pas changer leurs habitudes, à moins qu’ils n’aient une obligation ou une motivation majeure pour le faire. L’expérience personnelle de l’internaute influe ainsi sur sa manière de chercher future car elle détermine des schémas qui ont de fortes chances de devenir répétitifs et donc d’être prédictibles (c’est toute la base de l’ergonomie, dont l’étude ne doit pas être limitée à la navigation sur site et à une approche écran par écran mais au parcours global de l’internaute et à une approche workflow).

– La troisième est la capacité, à partir des deux premiers éléments, à les combiner pour se créer une « image mentale » d’un espace (« survey knowledge »). Cette capacité est la plus sophistiquée à acquérir car elle permet, à partir des éléments connus et de l’expérience de certains chemins, d’être capable de déduire un nouveau chemin pour atteindre un lieu, d’utiliser des raccourcis, de ne pas se perdre… Sur le web, ça correspond à la capacité de déduire une adresse web inconnue à partir des structures d’URL les plus fréquentes par exemple. C’est cette capacité qui va faire la différence entre un utilisateur novice et un utilisateur expert, même si la navigation sur le web est relativement simple (principalement recherche, page précédente & page suivante  pour les utilisateurs moins aguerris + usage de l’url directe, des marque-pages et de l’historique de navigation pour les utilisateurs plus avertis).

Le niveau d’expertise dans l’usage n’est donc pas lié simplement à la connaissance de certains lieux ou chemins. Ainsi, contrairement à certaines idées reçues, les jeunes « digital natives » ne sont pas nécessairement plus experts dans leur utilisation du web, ils se sont simplement créé au démarrage de leur utilisation d’un ordinateur ou d’un téléphone, d’autres lieux de départ et de référence et d’autres chemins que ceux de leurs camarades plus âgés, qui pour certains se sont aussi mis au web plus tôt, et ont du mal à changer leurs habitudes depuis… Selon une étude du NNG par exemple, les jeunes universitaires cherchent les entreprises à partir d’un moteur de recherche et non en tapant l’url directement, et doivent souvent s’y reprendre à plusieurs fois pour trouver une information dans un site car ils naviguent vite et de manière assez inefficace.

Les paramètres d’une recherche efficace seront donc l’expertise de l’internaute dans la recherche sur le web et son profil personnel, mais également d’autres critères qui dépendront de son besoin à un moment donné, et du type de produit/service qu’il recherche.

Quelles stratégies de recherche en fonction des besoins ?

En faisant appel aux manières de naviguer décrites plus haut, une recherche sur Internet pourra être caractérisée par 2 grandes dimensions : sa largeur (= nombre de sites visités pour atteindre la destination finale recherchée) et sa profondeur (= nombre de pages lues / site). Une recherche peut être étroite et profonde, tout comme large et superficielle.

Typiquement, plus les internautes seront « en amont » dans un parcours d’achat par exemple, plus ils risquent de taper des mots-clés génériques dans les moteurs de recherche, et plus ils risquent de faire une recherche large et superficielle, car ils vont plutôt chercher une variété de sources d’information pour se faire une idée sur un sujet. Plus ils seront proches d’un but d’achat ou de consommation, plus ils vont taper des mots-clés précis dans les moteurs de recherche (noms de marques…), plus ils vont faire des recherches plus étroites (moins de sites) mais profondes (plus de pages dans chaque site). Une démarche de référencement naturel ou payant doit absolument intégrer ces différentes familles de mots-clés associées à différentes étapes d’une recherche… sans oublier les mots-clés relatifs à l’usage post-achat !

Cette schématisation de la circulation sur Internet permet de comprendre les « moyens de transport » des internautes et les différents types de recherche, ce qui permet à une marque de construire sa propre stratégie des moyens pour permettre à ses clients et prospects cible d’arriver chez elle le plus efficacement possible, et d’équilibrer ainsi les investissements structurels permanents (référencement et contenus) et les investissements tactiques (campagnes média). Plus les routes principales seront solidement construites et bien tracées, plus les campagnes tactiques seront efficaces, car ces 2 types de moyens ne s’opposent pas en soi et devraient même plutôt se construire de manière complémentaire.

 

Quels sont les critères d’arbitrage et de décision des internautes?

Tracer de belles routes ne suffit pas tout à fait à faire venir les internautes, encore faut-il les convaincre de venir chez soi plutôt que chez les autres. Reste donc à aborder les critères qui influent sur la décision des internautes et sur lesquels ils se basent pour arbitrer et faire des choix. Certains sont visibles dès la recherche de mots-clés dans un moteur (les éléments affichés par Google, par exemple), d’autres seront plutôt jugés « sur place » (quand l’internaute arrive sur le site). L’idée ici n’est pas de rentrer dans le détail mais plutôt d’aborder les grandes familles de critères, car la littérature abonde sur le web sur ces sujets.

Les qualités de la source: propriété des lieux et émetteur du contenu

L’absence de murs donne parfois l’illusion à certains qu’Internet est un espace ouvert et public, mais les mêmes règles y règnent que dans l’espace réel : il y a des lieux privés et des lieux publics, et les types de contenu ainsi que leurs qualités en dépendent fortement. Les internautes le savent ou le découvrent généralement assez vite, la transparence est donc la meilleure règle de conduite à adopter. Pour une marque ou entreprise cela signifie que le contenu émis par ses soins risque fort d’être considéré comme moins crédible que s’il est émis par une source externe, certaines sources étant considérées comme plus crédibles ou plus expertes que d’autres (en fonction des sujets et de l’expérience : médias, bloggeurs amateurs, forums de consommateurs, sources officielles, etc.). Avec l’expérience, les internautes se font leur propre appréciation de la qualité d’une source, et il ne faut pas généraliser trop vite en prétendant que les sources les plus fiables sont automatiquement les proches, ou les consommateurs. En fait, les internautes apprennent surtout à multiplier les sources pour valider leurs informations. Dans les lieux où de multiples auteurs peuvent intervenir, la qualité affichée de l’auteur (sa fonction, son nom, son profil…) participent de cette crédibilité. Une entreprise qui laisse différents employés s’exprimer en leur nom propre sur son blog aura automatiquement plus de crédit que si c’est « admin » qui poste des informations au ton corporate…

C’est cette recherche de crédibilité qui préside à toutes les stratégies d’influence que les entreprises essaient de construire, avec plus ou moins de bonheur et de réussite en fonction de la qualité de l’approche et du temps investi. Contrairement à ce que beaucoup de marques croient, ce n’est pas en essayant de « contrôler » leur e-réputation et ce qui se dit de leurs produits/services qu’elles vont gagner en crédibilité et attirer plus d’internautes, c’est plutôt en répondant et en encourageant la libre parole des consommateurs et des employés (ce qui implique forcément de tenter de régler le problème plutôt que d’essayer de le cacher…). Cette posture présente de grands potentiels d’évolution en France, où il y a globalement une grande réticence ou inquiétude des entreprises au libre-échange avec les consommateurs et à laisser leurs employés interagir publiquement et ouvertement avec eux, malgré les réussites qui en démontrent l’efficacité incontestable (exemples: Best Buy, Zappos…).

Les qualités du contenu lui-même

Les différents attributs d’un contenu sont à la fois tous les éléments ayant trait au fond (qualité, précision, exhaustivité, niveau d’expertise, langue…) mais aussi à la forme (texte, images, vidéos, longueur, facilité à être partagé/diffusé… ou design, look & feel, ergonomie, facilité de navigation pour un site…) de ce qui est décrit/montré. Les éléments-clés et différenciants doivent absolument être bien mis en avant selon les critères d’ergonomie et les bonnes pratiques pour le référencement, sous peine de se tirer soi-même une balle dans le pied : combien de liens ne sont pas cliqués sur Google parce que les 2 lignes de description ne servent pas bien le contenu dont ils parlent ? Et combien d’internautes restent à peine quelques secondes sur une page avant de la quitter parce qu’ils sont déçus par ce qu’ils y trouvent ou n’y trouvent pas ?

La littérature sur le web est très riche des bonnes pratiques en matière d’ergonomie et de référencement, nous n’allons donc pas les détailler ici. Nous souhaitons simplement insister sur le fait de ne pas les traiter comme des disciplines séparées gérées par des spécialistes indépendants, mais de les relier entre elles et de toujours les mettre en perspective des deux objectifs dont ils sont à la croisée des chemins : celui de l’internaute qui a un besoin ou une envie à remplir, et celui de la marque ou de l’entreprise qui a un objectif à atteindre. Le contenu est le goudron du web, la matière première de ses routes: en avoir une approche industrielle « au kilo » comme s’il n’avait aucune valeur est une stratégie risquée à long terme et dévalorisante pour une entreprise, comme l’a démontré l’impact récent de la mise à jour de l’algorithme de Google sur les « fermes de contenus » américaines.

 

En conclusion, les chemins des internautes ne sont guère mystérieux et répondent à des règles logiques qui évoluent avec l’expérience. Stratégie des moyens et stratégie des contenus sont les deux faces de la même pièce, et si elles peuvent nécessiter l’intervention de spécialistes différents pour leur mise en œuvre, elles doivent absolument être coordonnées et partagées au sein de l’entreprise pour ne pas aboutir à des routes qui ne se connectent pas ou qui donnent sur une impasse… Dans cette optique, Internet équilibre les forces entre les différents types d’entreprises et offre beaucoup de perspectives intéressantes aux PME, qui n’ont pas autant de moyens financiers que les très grands comptes mais qui peuvent s’avérer plus agiles à modifier leur organisation et leur attitude de communication, et à adopter des stratégies de contenu et de relation client beaucoup plus ouvertes et en phase avec les possibilités et la philosophie d’Internet. Tout le potentiel reste encore à explorer!

 

Cet article est le quatrième chapitre de l’ebook « Comment construire sa stratégie digitale?« , disponible en téléchargement PDF (mai 2011, 57 pages) sur ce site. Les articles suivants développent une méthodologie d’élaboration d’une stratégie digitale à partir de la stratégie d’entreprise.

 

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