L’éducation numérique : l’ingrédient indispensable de la transformation digitale

L’éducation numérique concerne-t-elle seulement les plus jeunes membres de notre société ou doit-elle devenir un enjeu permanent à tout âge et particulièrement dans les entreprises, à l’heure de la transformation digitale permanente ?

Comment la mettre en oeuvre pour répondre au frein et ralentisseur principal de toute transformation, la résistance humaine au changement ?

 

Apprendre à apprendre : un enjeu économique et social transversal

Nul besoin de rappeler les enjeux économiques et sociaux associés au numérique, pourtant selon le Network Readiness Index du World Economic Forum, qui passe au crible l’état des lieux numérique de tous les pays du monde à travers un large ensemble d’indicateurs, la France n’apparaît qu’au 26ème rang en 2015 !

Les constats issus des nombreuses études consacrées à la transformation digitale des entreprises, qu’on retrouve dans la grande enquête menée par McKinsey en 2014 auprès de 500 entreprises françaises, sont sans appel. Le comportement humain est la clé de ce processus, de manière un tant soi peu schizophrénique : car autant les consommateurs tirent la croissance du numérique, à travers leurs comportements d’achat, autant les résistances au changement et à l’acquisition de nouveaux savoir-faire ralentissent l’évolution des entreprises en la matière.

Apprendre à apprendre, est donc au coeur de cette dynamique : au-delà de la simple formation technique ou fonctionnelle, il s’agit, à l’échelle individuelle avant toute chose, d’être capable de se défaire de certaines façons de faire, d’en adopter d’autres, de développer une plasticité et une autonomie nouvelles dans l’acquisition de compétences et de comportements, à une fréquence autrement plus importante qu’auparavant.

L’éducation devient donc un enjeu économique d’entreprise, en entreprise, autant qu’à l’école. Mais suffit-il d’inscrire massivement les employés, cadres et dirigeants à des MOOC pour y répondre ?

 

Petit détour par l’éducation numérique des jeunes

Les « digital natives », contrairement à l’image d’Epinal propagée dans les médias, sont loin d’être les nouveaux maîtres du numérique : au mieux, ils en maîtrisent la consommation, mais leur semblant d’usages évolués cache un appauvrissement de la compréhension et de la créativité.

Une partie de l’explication réside dans l’amélioration considérable des appareils et outils aujourd’hui disponibles : ils sont tellement sophistiqués et complexes, que leur usage s’apparente presque à celui de la magie, pour paraphraser Arthur C. Clarke (« Any sufficiently advanced technology is indistinguishable from magic »), et que plus personne ne les bidouille pour les réparer ou les faire marcher, comme il était presque obligatoire de le faire il y a encore 15 ou 20 ans.

Un axe important de l’éducation (au) numérique des jeunes réside donc aujourd’hui dans l’apprentissage de la programmation : non pas dans le seul objectif d’en faire de futurs développeurs informatiques – même si les débouchés sont certains – mais comme un moyen de passer en coulisses et aux commandes, d’expérimenter la création et la réalisation de ses propres projets, plutôt que de rester un simple usager passif.

L’éducation des jeunes est-elle si éloignée de celle des adultes en entreprise, ou montre-t-elle au contraire une problématique commune : comment générer de la motivation, de la créativité et de la pro-activité à partir d’une posture passive de consommateur – ou d’employé – du numérique ?

 

Quels leviers pour une éducation numérique efficace pour tous ?

De mon expérience de 4 ans en tant que CDO d’un groupe international de communication, j’ai tiré 3 enseignements fondamentaux pour la réussite d’une transformation digitale :

1. La peur est un puissant paralysant, et notamment une peur peu dicible, très présente chez de nombreux adultes, cadres, dirigeants : la peur de ne pas être capable d’apprendre, ou de comprendre, ces nouveaux usages ou ces nouvelles technologies. Or les technologies se complexifiant, ce n’est pas l’effort d’explication qui diminue la peur, au contraire, il l’amplifie parfois bien involontairement. Seule l’action résorbe les craintes.

2. Répondre aux besoins des utilisateurs : ce n’est pas la formation achetée et imposée par la hiérarchie ou un expert central qui mobilise qui que ce soit ; c’est la capacité d’apporter la juste réponse aux besoins des utilisateurs, qu’ils soient employés ou dirigeants – ou clients, qui les fait adhérer au changement proposé.

3. L’expérience (faire soi-même) est l’action la plus formatrice : on apprend essentiellement ce qu’on a réalisé soi-même, encore mieux quand on s’est trompé ou que ça n’a pas tout de suite fonctionné. Ce qui ne diminue pas l’intérêt des Mooc ou autres formations courtes, mais il serait plus juste de les qualifier d’actions d’information plutôt que de formation, car leur impact est similaire.

L’apprentissage de la programmation : un levier d’éducation en entreprise

L’apprentissage de la programmation, de manière adaptée aux besoins et aux métiers de l’entreprise, dans un objectif d’éducation et non de formation purement technique, est un levier puissant qui répond aux leviers du changement : c’est un outil d’action, de création et de meilleure collaboration entre équipes fonctionnelles et techniques, qui met chaque utilisateur face à ses propres progrès, ses propres réalisations, et peut lui inspirer des idées et manières de faire pour répondre à ses besoins.

Pour comprendre la cuisine, apprendre à faire un gâteau ou une blanquette est mille fois plus formateur que la lecture de milliers de pages de livres de cuisine : pourquoi ne pas appliquer cette approche à l’éducation numérique en entreprise ?

Attention néanmoins aux recettes vite faites : l’initiation à la programmation pour tous n’est PAS une version dégradée de la formation des professionnels ! Tout comme vous ne faites pas un gâteau chez vous de la même manière qu’un chef pâtissier dans son laboratoire, de grâce, ne vous précipitez pas sur l’apprentissage de l’html et du javascript sans réflexion ni stratégie de mise en application !

Apprendre à apprendre pour être capable d’évoluer : et si finalement l’éducation était autant la racine que le réceptacle de toute transformation digitale ?

 

 

Article initialement publié dans Viuz.

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