Comment piloter et mesurer un plan d’actions digital? Quels sont les bons indicateurs de performance?

Résumé : Les deux principaux problèmes liés au pilotage stratégique des actions digitales sont liés : un excès de données disponibles et la difficulté de les agréger entre elles et avec d’autres médias. C’est le point de vue de départ qui fausse la donne : en partant de l’opérationnel et de ce qu’on peut mesurer, les additions et comparaisons rendent myope et se font au mauvais niveau. Il faut partir des objectifs stratégiques et des critères de succès et d’échec pour définir les bons indicateurs, en ne confondant pas indicateurs d’objectifs et indicateurs tactiques de « chemin ». Le bon rythme de pilotage en découlera rétroactivement.

 

Contrairement à d’autres médias, Internet ne souffre pas d’un manque de données ou de traçabilité, mais plutôt de l’inverse: il y a tellement de données et d’indicateurs que le risque est plutôt de développer une frénésie de mesure qui n’aide pas plus au bon pilotage d’une activité que son absence totale, car elle crée des biais : vers la surenchère et la sur-valorisation des données quantitatives, d’une part, au détriment de l’appréciation qualitative des événements mesurés; vers le manque d’autonomie et de recul dans la réflexion, d’autre part, où le moindre lien manquant entre deux informations devient problématique, pour ne citer que ces deux travers fréquents.

Or une stratégie d’entreprise ne se pilote ni au CPM ni au CPA. Est-il vraiment utile de tout mesurer, ou s’agit-il plutôt de définir les bons indicateurs en fonction des objectifs souhaités ? Est-ce utile d’avoir pléthore d’indicateurs si l’on ne peut mettre en perspective différents types d’actions entre elles, sur le web mais aussi avec d’autres médias et canaux ?

Ces 2 problèmes apparemment séparés sont liés car tous les deux tributaires du point de vue de départ: quand on part de l’échelle opérationnelle, comparer web et télé par exemple peut donner l’impression de vouloir additionner des choux et des carottes, les débats risquent d’être infinis. On ne peut les comparer qu’en perspective des objectifs stratégiques, en regardant à quel niveau et comment chaque action y contribue, quantitativement autant que qualitativement d’ailleurs. Le bon rythme de pilotage en découlera.

 

Comment définir les bons indicateurs à suivre ?

 

– Les bons indicateurs sont relatifs aux objectifs :

Pour savoir ce qu’on doit mesurer, il ne faut pas partir de ce qu’on peut mesurer, mais de ce qu’on veut obtenir comme résultats, et quels seraient les critères de succès ou d’échec. Au niveau d’une stratégie d’entreprise, cela signifie que le rôle d’internet, dans ses différentes composantes et contributions possibles à la stratégie, a été clairement défini (à une marge d’erreur et de retour d’expérience près, bien sûr).

Cette approche rend immédiatement perceptible la singularité potentielle de toute stratégie digitale: les bonnes et mauvaises pratiques décrites en abondance ne doivent être qu’une source d’inspiration mais en aucun cas un modèle à appliquer littéralement (et idem pour les KPIs clés), car l’intégration et la contribution des médias digitaux à une stratégie d’entreprise varient considérablement d’une entreprise à une autre, et d’une stratégie possible à une autre.

 

L’exemple ci-dessus, qui n’est qu’une ébauche, permet d’illustrer 3 éléments importants :

– La stratégie digitale ne peut être dissociée des autres actions « offline », car les deux sont intrinsèquement liées par les usages mêmes des consommateurs, qui sont multi-canaux. Il faut donc raccrocher les objectifs internet et mobile aux objectifs stratégiques pour savoir à quel niveau ils se situent et comment les comparer aux autres canaux, avant de foncer la tête dans le guidon des webanalytics.

– La mesure de la contribution d’Internet aux objectifs stratégiques ne se fait pas uniquement « online », mais doit être intégrée à l’ensemble des études faites auprès des consommateurs (études qualitatives, quantitatives…) : c’est aussi comme cela qu’on pourra avoir une mise en perspective intéressante et relative de la contribution des différents canaux entre eux et dans le temps.

– Toutes les marques n’ont pas besoin d’avoir une approche aussi poussée dans toutes les dimensions du marketing et de la communication: pour certaines un programme CRM sera fondamental, pour d’autres (comme la marque n°1 dans notre exemple ci-dessus) il n’aura que peu d’intérêt au regard de la stratégie d’image et d’innovation, qui est le vrai levier de fidélisation de la clientèle. Idem pour l’e-réputation : autant il est important pour toutes les marques de savoir ce qui se dit d’elles sur internet, autant toutes n’ont pas besoin d’avoir le même niveau d’investissement logiciel et de community management, en fonction de leur marché, leur taille, leur stratégie commerciale…

 

– Il faut distinguer les indicateurs d’objectifs finaux des indicateurs tactiques intermédiaires de « chemin »:

En fonction de la stratégie choisie, un indicateur peut être clé pour une entreprise, et plus mineur pour une autre, comme dans l’exemple ci-dessus. Il faut donc savoir hiérarchiser et distinguer les indicateurs d’objectifs des indicateurs tactiques.

Les indicateurs d’objectifs finaux sont ceux qui sanctionnent la stratégie choisie, que son objectif ultime soit la pérennité de l’entreprise, sa revente dans 5 ans ou qu’elle tienne ses engagements (vs actionnaires, etc.): objectifs de ventes, marge, profit, rentabilité, équilibre financier… Une fois qu’ils sont définis au niveau de la direction générale, ils sont déclinés au niveau de chaque fonction en rapport avec la stratégie. Par exemple, pour une direction marketing/communication, ce seront la notoriété et l’image de l’entreprise, son profil de clients, la qualité et l’efficacité de la conversion des prospects en clients, etc.

Les indicateurs intermédiaires de « chemin » sont ceux qui permettent de savoir en cours de route si l’on est sur le bon chemin ou pas, mais ils ne doivent pas être confondus avec un objectif en soi. Ce sont des indicateurs tactiques et non stratégiques. Il y a très souvent confusion entre ces deux niveaux d’indicateurs, ne serait-ce que par simple management « mécanique » dans les entreprises : ce qui est un indicateur tactique au niveau du N+1 devient un objectif pour son subordonné ! Procéder ainsi simplifie peut-être la construction du tableau de bord en début d’année ou la définition des objectifs annuels du salarié, mais signifie surtout que l’entreprise se dote d’œillères qui risquent de l’empêcher d’ajuster ses tactiques d’actions en cours de route ! L’objectif final doit être le même pour tous les employés, quelque soit leur niveau hiérarchique au sein du département. Ce n’est pas l’objectif qui doit être réajusté aux différents niveaux hiérarchiques, c’est le niveau et la marge de manœuvre dans la contribution pour l’atteindre. Les indicateurs tactiques peuvent être autant des indicateurs de « bonne » route que des indicateurs de « mauvaise » route : des seuils d’alerte à suivre, des niveaux en-dessous desquels il ne faut pas tomber, etc.

Une fois les objectifs clairement définis, attribués à chaque média/canal au niveau stratégique puis hiérarchisés et déclinés au niveau tactique, ils pourront être regroupés au sein d’un tableau de bord qui en permettra le suivi et la comparaison dans le temps.

Comment et à quel rythme piloter ?

Le bon rythme de pilotage se définit rétroactivement par rapport aux objectifs stratégiques à atteindre, et surtout pas à partir du présent et des données disponibles : c’est en regardant la distance par rapport à l’horizon qu’on avance, pas en regardant ses pieds ! Ce qui a l’air d’une lapalissade est pourtant une erreur fréquemment commise, souvent en conséquence d’une forte pression interne à « montrer » des résultats. Le problème, c’est qu’à force de regarder ses pieds, on peut avoir l’impression d’avancer plus vite mais on risque surtout de rentrer dans le mur…

Quelques indications utiles pour définir le bon rythme de pilotage :

Les contraintes de communication externe auxquelles est soumise l’entreprise, qui définissent le niveau minimal de pilotage des objectifs stratégiques : par exemple, celles cotées en Bourse sont soumises à un rythme trimestriel, qui par défaut, peut tout à fait être un bon rythme minimal de suivi des indicateurs clés. Plus fréquemment que le trimestre, on n’est plus vraiment dans le pilotage stratégique mais plutôt dans le suivi des indicateurs tactiques des actions.

La fréquence de récolte des différentes données et leur disponibilité pour l’analyse. La facilité et la rapidité de récolte de certaines données sur Internet peuvent permettre un rythme de pilotage plus serré en phase de lancement, par exemple, ou en phase de test, mais ne doivent pas créer un biais accélérateur artificiel, qui contribue aux idées reçues sur Internet : non, tout n’y est pas immédiat, les consommateurs ou clients de l’autre côté sont les mêmes être humains, qu’ils soient en train de cliquer sur un lien ou de passer devant votre magasin. Dans le cadre d’une campagne de communication par exemple, les mesures d’audience TV ou radio se font au bout de plusieurs mois, ainsi que les baromètres de notoriété ou d’image de marque. Il faut donc savoir au préalable ce qu’on attend de chaque niveau et fréquence de mesure, pour ne pas risquer de confondre la proie et l’ombre, et savoir mesure garder dans son jugement : ni aller trop vite, ni attendre trop longtemps avant de corriger le tir.

Le temps nécessaire aux différentes actions de se mettre en place et d’avoir de l’impact, qui est lié à la possibilité de les corriger : en effet, s’il n’y a pas de solution, il n’y a pas de problème ! Il ne sert à rien de mesurer des actions sur lesquelles on ne peut agir. Par exemple la mise en place d’actions visant à améliorer le référencement naturel peut prendre un certain temps avant d’avoir un impact visible, qu’il faut accepter de prendre pour en voir les résultats avant de changer de nouveau de stratégie. Même la mise en place d’achat de mots-clés peut prendre quelques semaines, en fonction de votre historicité chez Google par exemple. Il ne faut pas oublier qu’un tableau de bord ou une scorecard sont des outils pour aider à piloter l’activité, ils ne sont pas l’activité : mettre en place un rythme de reporting beaucoup plus rapide que le temps nécessaire aux actions peut créer une pression interne à la production continue de chiffres qui occupe les équipes à du traitement de tableaux Excel plus qu’à la réalisation de leurs actions, et qui peut même biaiser le choix des actions dans le seul but de remplir la scorecard à temps.

 

En conclusion, il n’est pas nécessaire d’être un expert du web pour définir les bons indicateurs d’objectifs et de pilotage d’une stratégie : c’est une question de bon sens et de logique, qui nécessite surtout que la stratégie soit claire et les priorités clairement établies. Le bon niveau d’indicateurs tactiques à suivre pour le pilotage des différents actions peut nécessiter une expertise web plus poussée, notamment pour la connaissance des différents outils disponibles, mais il ne doit pas céder à la frénésie du « tout mesurer » sous peine de perdre le fil de l’objectif réel souhaité. Les benchmarks et études de cas disponibles sur le marché peuvent être utiles et intéressants surtout au démarrage de nouvelles actions, charge à l’entreprise de se faire ensuite sa propre expérience et d’établir ses propres critères internes, seule manière de creuser durablement son propre sillon et de ne pas être constamment tributaire des tendances et des stratégies des autres.

 

L’article suivant s’interroge sur la manière d’intégrer l’innovation de manière permanente à sa stratégie de communication digitale. Il clôt cette série qui est regroupée dans l’ebook « Comment construire sa stratégie digitale?« , disponible en téléchargement PDF (mai 2011, 57 pages) sur ce site.

 

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